Alain Flament, les yeux tournés vers le ciel

Avec Alain Flament, fondateur du club Constructeurs aéronefs jeunes, construire et faire voler un avion ne relève pas de l'impossible. Depuis 2005, il entraîne des jeunes dans cette aventure, consacrant sa retraite à transmettre sa passion pour l'aéronautique. Et ça marche, puisque certains en ont fait leur métier.
Alain Flament, les yeux tournés vers le ciel

D'où vous vient cette passion pour les avions ?

Je suis originaire de Gaillac. C'est là-bas que j'ai découvert l'aviation dans les années cinquante. En 1962, je suis arrivé à Albi, où j'avais trouvé du travail à l'UMT. J'ai passé mon brevet de pilote en 1975 et j'ai eu envie, à la fin des années 80, de construire mon propre appareil. J'avais aménagé un atelier chez moi et, chaque soir après le travail, je consacrais deux heures à sa fabrication. Mon avion a volé en 1994 après cinq ans de travail et il est toujours en état de marche !

Comment construit-on seul un avion ?

Il faut déjà des plans ! Ensuite, il faut du temps, de la motivation, de la persévérance et du matériel. Quarante serre-joints, ça peut paraître beaucoup quand on n'en a pas besoin. Pour un avion, c'est un minimum ! Mais cela ne suffit pas ; il faut être aussi persévérant et
rigoureux. Pour ma part, j'ai l'habitude de finir ce que je commence, ce qui est utile quand on se lance dans un tel projet. Enfin, il vaut mieux être bien conseillé. En soi, ce n'est pas si compliqué et si certaines opérations comme la soudure n'étaient pas évidentes pour moi, j'ai demandé de l'aide à ceux qui savaient ! Au fil du temps, mon avion est devenu un peu ma voiture. Il m'est même arrivé de le prendre pour aller à Gaillac ! 7 minutes de vol !

Pourquoi avez-vous décidé de vous engager avec des jeunes dans pareille aventure alors que la retraite vous incitait plutôt à lever le pied ?

Je pense que les actions que nous menons au cours de notre vie sont toujours empreintes de ce que nous avons reçu durant notre jeunesse. Je pense à mes années à la Jeunesse ouvrière chrétienne, par exemple, où j'ai appris des valeurs comme l'entraide et la solidarité. Ce que nous sommes se traduit, suivant nos choix ou nos possibilités, soit dans un métier, soit dans un engagement, ou bien encore, lors de moments plus propices comme la retraite. C'est ce temps-là que j'ai choisi pour me tourner vers les jeunes en essayant de mettre à profit ce que je maîtrisais, à savoir l'aviation. Un jour, je suis donc allé à la maison de quartier de Cantepau avec des plans d'avion sous le bras et l'idée que « qui ne tente rien n'a rien » . J'ai été bien accueilli et une salle m'a été plus tard réservée pour réunir les jeunes candidats à l'aventure. C'était en 2005.

Que proposiez-vous aux jeunes ?

J'ai souhaité créer un avion avec eux, pour leur transmettre ma passion et mes connaissances, leur permettre de voler et, pour certains, de poursuivre dans les métiers de l'aéronautique. Une cinquantaine de jeunes, dont beaucoup originaires de Cantepau, a ainsi pu profiter de cet atelier depuis sa création. Plusieurs ont passé le brevet d'initiation d'aéronautique. Je suis ainsi très heureux qu'un des jeunes, Guillaume Courtois, ait obtenu récemment la qualification AFIS qui lui permet de travailler à la tour de contrôle Airbus à Toulouse. Grâce au bouche-à oreille, Guillaume avait rejoint le club et participé à la construction d'un avion biplace, baptisé Le Ville d'Albi et inauguré en 2012. Il est depuis 2017 président du club et gère l'association avec d'autres jeunes de son âge.

C'est beau de rêver et de faire rêver, mais tout cela est-il bien raisonnable ?

Certaines personnes m'ont dit que c'était un gros investissement personnel et s'étonnaient de cette générosité. C'est vrai, chaque samedi, depuis le début, je cherche et ramène les jeunes pour les conduire à l'atelier situé à l'aérodrome ; je n'ai jamais compté les heures ni les litres de carburant. Le temps donné est important, certes, mais ce temps ne m'a rien coûté et j'ai toujours plaisir à m'investir pour les jeunes. Ma reconnaissance, c'est  dans leurs yeux que je l'ai trouvée. C'est aussi dans ce que certains d'entre eux sont devenus ou vont devenir. Si quelque part, j'ai pu être une étincelle, j'en suis heureux.

Quels souvenirs gardez-vous de cette belle aventure au club ?

Des parents ont joué un rôle important durant ces années. Grâce à eux, nous terminions le soir par un magnifique couscous confectionné par des mamans de Cantepau. Pierrot, notre pilote sur la plateforme, se faisait un plaisir de prendre à bord d'un avion de l'aéroclub les parents de ces jeunes pour survoler d'un coup d'aile leur quartier. Au retour, l'avion rentré, la table dressée sur le tarmac, nous nous retrouvions au crépuscule pour partager un moment fort de convivialité. Je garde personnellement dans mon coeur ces moments précieux où aucune barrière, aucun préjugé ne venaient perturber une ambiance de partage et d'estime réciproque.

Quels projets sont envisagés pour les années à venir ?

Nous avons aujourd'hui l'objectif de créer un monoplace avec huit jeunes. C'est un beau challenge qui a bien avancé, mais qui exige de leur part de la rigueur, de l'entraide et de l'assiduité. Je recherche aussi quelqu'un pour assurer la relève. La vocation du club est la construction d'avions. Cela ne s'improvise pas. J'aimerais trouver une personne que j'accompagnerais le temps qu'elle vole de ses propres ailes.

Que vous apporte cet engagement associatif ?

« Par les jeunes et pour les jeunes » a toujours été notre objectif. Les contraintes de toutes sortes n'ont pas manqué au début et pourtant seule la foi en ce que l'on faisait nous a motivés et enthousiasmés. Humainement parlant, ça m'a apporté beaucoup. Ça aura été un peu l'engagement d'une vie. Mener des projets est très stimulant même si transmettre à des jeunes n'est pas de tout repos ! C'est aussi une sacrée responsabilité. Pour varier les plaisirs, les ateliers alternent du travail manuel, des échanges sur les plans d'avion et un moment sur les simulateurs de vol.

Volez-vous encore ?

J'ai volé environ 500 heures depuis mon brevet de pilote. Aujourd'hui, je ne pilote plus. J'ai 80 ans, même si je n'ai pas l'impression de les avoir dans la tête ! Pour autant, j'ai toujours des projets, comme celui de finir la construction de ce monoplace. Je reste donc encore un peu aux commandes en attendant d'être remplacé à l'atelier !