Fouilles préventives place du cloître Saint-Salvi : témoignages

Les fouilles préventives au chantier ont dégagé plusieurs strates archéologiques qui parfois affleuraient. Explication par Raphaël Macario, archéologue au bureau d'investigations archéologiques Hadès, qui revient sur les méthodes utilisées, les outils, mais aussi les premiers résultats de ces fouilles qui ont révélé une page d’histoire de la ville.
Fouilles préventives place du cloître Saint-Salvi : témoignages

Dans quel cadre êtes-vous intervenu autour de la collégiale ?

« Tout d’abord, Hadès est un bureau d’investigations archéologiques basé à Toulouse qui réalise des fouilles avec un agrément pour intervenir sur les périodes allant de la protohistoire (VIIe s av J.-C.) à la période contemporaine. Nous avons déjà travaillé à plusieurs reprises à Albi, notamment à la collégiale Saint-Salvi et au palais de la Berbie. Il s’agissait cette fois de réaliser des fouilles préventives avant la pose d’un drain permettant de réduire les problèmes d’humidité dans la crypte de l’église. Pour les dernières fouilles effectuées, plusieurs spécialistes sont intervenus : des anthropologues, des géomorphologues (étudient le relief du lieu NDLR), des céramologues (spécialistes des céramiques) et même des archéozoologues (qui définissent la nature des ossements d’animaux). »

Quel est l’intérêt de ce genre de fouilles ?

« Cela nous permet d’obtenir de nombreuses informations sur l’histoire d’Albi et plus généralement sur les modes de vie de nos ancêtres. Cette opération apporte notamment de quoi documenter davantage la période antique et médiévale de la ville. Par endroits, le niveau antique affleurait, ce qui laisse supposer que les travaux d’urbanisme réalisés au XIXe siècle avaient considérablement décaissé le terrain. Ailleurs, le niveau protohistorique pouvait se trouver à deux mètres de profondeur. Ces fouilles ont aussi permis d’étudier en détail les vestiges avant qu’ils ne disparaissent. »

Qu’avez-vous trouvé d’intéressant ?

« De la vaisselle cassée et des restes d’aliments, principalement des ossements d’animaux. Ces découvertes sont des indices d’une occupation humaine dès le premier siècle avant Jésus-Christ. Au-dessus, nous avons découvert des remblais datant de l’époque antique et qui laissent supposer la présence d’une voie, d’une rue ou d’une place. Deux murs en pierres maçonnées du Ier siècle après Jésus-Christ ont prouvé l’existence de fondations d’un bâtiment. Enfin, les couches supérieures révèlent les traces d’un cimetière médiéval dont l’origine pourrait remonter au VIe siècle. L’analyse au carbone 14 permettra de préciser cela. » Il était courant que des cimetières soient situés autour d’une église.

Surprise ou pas ?

« Nous le savions effectivement, mais cela n’a pas empêché d’être étonné ! La zone de fouilles couvrait seulement une trentaine de mètres carrés, pour autant, un certain nombre de vestiges a pu être mis à jour. Nous avons découvert des corps qui avaient été enterrés dans des caveaux en pierre, d’autres dans des coffrages en bois ou directement en pleine terre dans des linceuls. La présence de clous et la position des ossements ont permis ce genre de déductions. La découverte inattendue a été sans doute ces trois caveaux maçonnés du XVe siècle, dont un contenait une trentaine d’individus. Une analyse des ossements pourrait donner des indices quant à la cause du décès. »

Quels objets avaient été déposés dans les tombes ?

« Plusieurs objets comme une dague, deux bagues en or, des dés à jouer, un chapelet en pierre, une boucle de ceinture et de la monnaie. Tous ces indices nous permettent de reconstituer à la manière d’un enquêteur ce qui a pu se passer. On interroge en permanence ce que l’on observe. Ici, on travaille vraiment sur la vie du commun des mortels. C’est toujours passionnant. » Un travail de fourmi pourtant… « Je suis archéologue depuis quinze ans ; j’ai pu effectuer des fouilles à Pompéi, mais aussi en Tunisie et c’est toujours avec plaisir que je mène des recherches. Il y a toujours l’excitation de la découverte ! J’aime le côté pluridisciplinaire du métier, le côté à la fois scientifique et humain, mais aussi le travail en équipe et l’absence de routine. Le métier d’archéologue exige, c’est vrai, beaucoup de minutie ; nous utilisons de petits outils comme des scalpels, des petits couteaux ou des spatules récupérés parfois chez des dentistes! Il faut être aussi persévérant, organisé, ne pas souffrir du dos et, surtout, rester curieux. »