Renaud Clerc : en route pour les JO

Les Championnats de France Escrime & Athlétisme Handisport viennent de se terminer, sur un magnifique titre de Champion de France sur 1500m de l’Albigeois Renaud Clerc. Félicitations à tous ces athlètes, des 2 disciplines, pour leurs performances tout au long de ces 2 jours. Bravo et merci aussi aux très nombreux bénévoles, merci au public qui a répondu présent, et merci bien entendu aux organisateurs, sans qui rien n’aurait été possible... Le Comité Handisport Tarn bien sûr, mais aussi au Cercle d'Escrime d'Albi et à l’ECLA Albi Athlétisme !
Renaud Clerc : en route pour les JO

Courir sur la piste du Stadium, une première à Albi ?

À ce niveau de compétition, oui, mais j'avais déjà couru à des meetings comme le Music Jump. Je suis très heureux de participer à ces championnats et de pouvoir courir à domicile. Cela met une pression supplémentaire ; je suis même sur l'affiche ! Pour le moment, je me concentre sur l'entraînement. Pendant un mois, j'étais à Font-Romeu pour une préparation intensive aux prochaines épreuves.

En route vers les Jeux olympiques de Tokyo cet été ?

Ma sélection se jouera soit aux championnats d'Europe début juin, soit à Albi. La méthode de sélection n'est plus assurée par des minima, mais simplement par classement. Pour la France, par exemple, on est obligé de faire partie des huit meilleurs mondiaux pour être retenu aux JO. Il faut donc rester très humble car les résultats d'autres athlètes peuvent venir bouleverser le classement. Après les épreuves début mai, j'étais neuvième mondial avec 4.13.15 mn aux 1 500 mètres. Celui qui était devant moi était à 4.13.09 mn...

Comment appréhendez-vous votre handicap ?

Quand on est enfant, c'est assez violent. Le handicap, on le prend en pleine face. Longtemps, j'ai d'ailleurs cru que je pourrais le « réparer ». J'ai compris assez tard, malgré les nombreuses séances de kiné, que cela ne changerait rien, que ce serait plus compliqué et qu'il faudrait faire plus pour réussir. Avec le temps, on apprend à relativiser, même si parfois la réalité se rappelle à nous, c'est pourquoi je n'aime pas le terme handisport ; je préfère dire que je suis sportif de haut niveau et que je fais de l'athlétisme.

Ce handicap a-t-il été un frein dans vos projets ?

Je dois énormément à ma famille qui m'a aidé à faire ce dont je rêvais. Beaucoup de choses qui paraissent banales pour vous sont en effet plus compliquées pour moi et nécessitent davantage d'effort et d'adaptation. Pour faire du vélo, par exemple, mon père et mon grand-père ont dû modifier les manettes. Quand j'ai voulu faire du kayak, il a fallu encore adapter le matériel. En regardant les copains qui montaient seuls sur leur embarcation tandis que, moi, je devais attendre pour qu'on m'aide, ce n'était pas facile d'admettre que je n'étais pas à égalité avec eux. J'ai trouvé heureusement des solutions et plein d'astuces pour me débrouiller seul.

En quoi le sport est-il un fil rouge dans votre vie ?

Depuis tout petit, j'ai toujours voulu faire du sport. Mon père était professeur d'EPS et ma mère était également sportive. Tous les étés, ils nous emmenaient, ma soeur et moi, faire du sport. En compétition, j'ai commencé en CE1 par du rugby. En 6e, je me suis mis au kayak. J'ai rencontré Michel Molinier au Centre sportif de haut niveau de l'Albigeois dans le cadre de la préparation physique. C'est là qu'il m'a donné envie de me lancer dans la course ! J'ai alors rejoint l'Ecla en classe de seconde et j'ai pris goût à l'athlétisme en me spécialisant dans l'épreuve du 400 mètres, accompagné par Michel qui est devenu mon entraîneur. Aujourd'hui, je cours en catégorie T37 qui s'adresse aux sportifs ayant une hémiplégie*.

Faire du sport de haut niveau, était-ce un défi pour vous ?

J'ai toujours voulu prouver, malgré mon handicap, que je pouvais faire aussi bien sinon mieux que les autres. Je me lançais donc des challenges. Aux « tu n'y arriveras pas », je répondais à chaque fois le contraire. Quand il le faut, je suis déterminé, voire buté ! Je cours donc pour l'envie de me dépasser, mais aussi pour l'amour du sport, la liberté, et pour vivre des émotions fortes. Je cours aussi dans l'idée de montrer que c'est possible. J'interviens d'ailleurs de temps en temps en classe pour échanger avec des jeunes et leur raconter mon parcours. Je leur dis qu'il faut oser et persévérer.

Quels ont été les principaux jalons dans votre carrière sportive ?

Le premier a été franchi en 2018 quand j'ai fini premier à un championnat de France d'athlétisme indoor handisport. Quelques mois plus tard, j'ai participé aux championnats d'Europe, où j'ai obtenu la médaille de bronze. En 2019, j'étais à Dubaï pour les championnats du monde. C'est là que j'ai décidé de changer de discipline après une sérieuse remise en question ; je me suis alors orienté vers le 1 500 mètres. Le quatrième jalon a eu lieu en mai dernier, où j'ai encore amélioré mon record et obtenu une nouvelle sélection en équipe de France d'athlétisme handisport pour les championnats d'Europe en Pologne début juin.

Quels sont vos projets après l'été ?

Je viens de finir ma deuxième année de droit à Champollion - une super fac - et souhaite entrer à Sciences Po. Je pars à la rentrée à Paris pour rejoindre l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance afin d'améliorer encore mes résultats et vivre le sport à 100 %. L'objectif est d'être prêt pour Paris 2024. Je suis évidemment triste de quitter Albi, mon club, ma famille, mon entraîneur et mes amis parmi lesquels Alexa Lemitre, avec qui je m'entraîne depuis le début. Elle m'a beaucoup appris et a été ma confidente ; nous avons pas mal de points communs.

Hormis le sport, que souhaitez-vous faire après vos études ?

J'ai une passion pour les questions politiques et suis admiratif devant certaines personnalités comme Robert Badinter, Simone Weil, Christiane Taubira... Plus tard, je souhaiterais travailler pour l’État, dans la diplomatie, par exemple, d'où mon projet d'étudier le droit international. Mon projet de vie, utopique peut-être, serait de m'engager pour que les gens aient tous une place dans la société et à contribuer activement à ce que l'ascenseur social marche à nouveau. L'écologie est aussi importante pour moi. J'aime pour cela m'informer et réfléchir sur des sujets de société. Ma soeur qui est à Sciences Po est ma meilleure compagne de débat !

* Selon la classification du handisport, la catégorie T37 correspond à un « handicap moteur consécutif à une lésion cérébrale avec potentiel de mouvements homogènes dans la catégorie ». Celui-ci a pour incidence un « déséquilibre dû à l’atteinte d’un côté du corps qui rend les départs plus difficiles en course et à l’impulsion pour les sauts ».